
Je pose donc mon sac a dos a SUCRE...ville de 300 000 habitants environs, toute de blanc vetue, comme un morceau de sucre, au climat doux et tempèrè...au coeur dun endroit un peu different, un peu FOU, mais une vrai auberge espagnole ou chacun apporte un peu de ce quil sait...et dans lequel les cultures, les idèes, les personnalitès en tout genre se melangent pour servir un succulent et deroutant Licuado ( milk cheak) aux saveurs explosives.
Le Che Guevara, qui a choisi la Bolivie, pour y planter les graines de sa revolution, disait quon ne connait jamais aussi bien un pays qu en entrant dans ses hopitaux a la rencontre de ses malades...Cest donc aux portes de L Institut National Psychiatrique Gregorio Pacheco de San Juan de Dios de SUCRE que jai decidè daller frapper,afin de mieux connaitre les veines ouvertes de l Amerique Latine de linterieur et d offrir eventuellement mes services de jeune educatrice en herbe...Il sagissait evidement daller a la rencontre d un systemen de santè bien different de mon pays, de remettre en question mes acquis et de bousculer sans doute mes reperes...de s adapter aux contingences dune politique dont la prioritè nest pas la santè mentale et de mintegrer a une nouvelle equipe avec ses methodes, sa culture...etc
Cest le frere Julio, espagnol et installè a Sucre depuis une quinzaine dannèe qui dirige l institution, qui m a accueilli les bras ouverts en me proposant un volontariat en echange dun logement et des repas...Le lendemain de ma visite, j abandonnai ma chambre de pension et ma vie de nomade pour me sendentariser un temps a Sucre dans la maison des volontaires de San Juan des Dios. Le frere Julio me remettait les clefs de ma chambre avec vue sur le jardin de l institut.

Maintenant un peu d histoire...L institut Gregorio Pacheco a ete fondèe en 1884 grace a la donation du president de la republique qui a donnè son nom a l hopital. L Hopital etait alors destinè aux malades mentaux de tout le territoire bolivien avec une capacitè iniciale daccueil de 50 patients...pour 350 lits actuellement, qui comprenent 140 femmes et 230 hommes. Sa notoriètè nationale a donnè aussi une reputation aux habitants de Sucre qui sont souvent traitè de fou a lexterieur de la region !!(confidense dun etudiant de psychologie) L hopital est situè a cotè du Parc Bolivar et de la Cour Judiciaire ou a ètè signè recement la nouvelle constitution du pays, sur la place : Aniceto Arce, un edifice magnifique reseemblant a un palais colonial, entourant un magnifique jardin darcades blanches...
L hopital est divisè en pavillon comprenant les urgences psyquiatriques et d autres unitès ou les patients sont repartis selon la gravitè de leurs troubles et selon la chronicitè de leur pathologie. Une unitè de geriatrie est reservèe aux patients agès dont la mobilitè et la maladie les rend severement dependant du personnel soignant. Un pavillon est aussi reservè aux Ateliers occupationnels comprenants differents modules : alphabetization, ceramique, fabrication de chaussures, tissage, art plastique et musico therapie gèrè par des moniteurs ou stagiaires en derniere annèe de psychologie- Lequipe est pluridisciplinaire et comprend psyquiatres, medecins, infirmiers, psychologues, moniteurs, jardiniers, cuisiniers...etc
L objectif principal de linstitut est d offrir prevention et accueil integral aux patients souffrants de troubles psychopatholiques divers ( psychose, autisme, toxicomanie, depression, deficience mentale...) necessitant un internement temporaire ou un accompagnement continue . L Institut doit aussi etre un tremplin a travers les differentes activitès, certaines remunèrèes, pour la reinsertion sociale des patients souvent en marge du circuit ordinaire.
Voila maintenant près d une semaine que j ai revetu ma blouse et mon pantalon blanc...Jusque la l idèe de travailler en Blouse blanche ne menthousiasmait guere, l uniforme pouvant etre parfois l occasion de construire une barriere fictisse entre le patient et la figure dautoritè quelle represente. Cependant, etant donnè l etat de mes vetements abimès par mon periple, elle a ètè largement la bienvenue. La blouse blanche ma aussi permis detre identifièe par les patients a mon arrivèe comme faisant partie integrante de l equipe.
L equipe ma accueilli les bras ouvert et quatres volontaires espagnols avec lesquelles je partage mon quotidien, mont rapidement adoptè. Pilar medecin et dentiste retraitèe depuis quelques mois et son mari Jose Maria avocat de formation sont originaires de Barcelone, Julio Cesar, infirmier et maitre de conference est de Leon... Nous partageons la maison avec les medecins residents internes et trois patientes de linstitut qui sont sur la voie de lautonomie....Cest l occasion de partages et de discutions a nen plus finir, dans un couloir, autour dun repas, dans une chambre...ou lors dune visite des alentours de SUCRE...
Experience riche en decouverte et emotion...une immersion totale dans le monde si particulier de la Psichiatrie...ou les difficultès dun tel milieu rencontre les limites dun pays un peu a l abandon...
Jai dediè ma premiere semaine a lobservation des methodes de travail des professionnels et a la rencontre avec les patients... Jai ete surprise par la sereinitè apparente des lieux et par la tranquilitè des patients...que jattribue a plusieurs facteurs, notament aux traitements peu adaptès pour cause d un cout trop elevè des medicaments de derniere generation utilisès actuellement en Europe.
Malgrè la bonne volontè du personnel soignant et son experience, un environnement privilègiè, je remarque toutefois quelques ombres au tableau...l usage de contentions physiques notament celle des menottes dans les urgences pour les patients les plus difficiles, l existence de chambre d isolement sans ouverture ou le lit est clouè au sol, le manque evident de connaissances sur la pathologie mentale ou la toxicomanie du personnel educatif ou sanitaire (infirmiers). La carence affective des patients, non pas de la part de lequipe mais du fait de labandon familial pour manque dinformation sur la maladie de la personne en situation d handicap, le rejet de la sociètè pour incomprehension, le manque de ressource economique pouvant permettre le maitien de la personne a domicile, et evidement facteur de tout le reste: le manque d interet manifeste des politiques pour ce secteur de la santè qui ne donne aucune autre option ou alternatives que l hospitalisation complete en milieu psychiatrique.
Les urgences psichiatrique recoivent des patients pour cause d intoxication ou decompensation liè a l usage de drogue ( marihuana en premier lieu et pate basique de cocaine ou cloridrate de cocaine...) Ces dernieres annèes le chiffre d hospitalisation pour ce motif a subi une sensible augmentation. La prevention des drogues est quasiment inexistente en Bolivie qui se place pourtant a lechelle mondiale comme le troisieme pays cultivateur de feuille de coca et l un des premiers consommateurs de marihuana...La commercialisation illegale continue a progresser et a faire de nouveaux addicts...un probleme de sociètè touchant aujourdhui toutes les tranches de la sociètè et qui pourtant na trouvè aucune autre reponse que lhopital psyquiatrique peu informè et equipè pour recevoir ce type d usager......malgrès la confrontation de nouvelles conditions de travail et le constat de limites posèes par un contexte politique et economique, l opportunitè de travailler dans un tel lieux est pour moi une occasion incroyable daffiner ma pratique et de connaitre une autre realitè sociale. Autant dire que je suis ravie du tournant que prend mon voyage !
Je commence dès demain a occuper mon poste dans le pavillon geriatrique dediè au patients les plus dependants le matin et dans le pavillon des ateliers occupationnels les après midi ou jencadrerai les groupes des differentes unitès.
a suivre.....